Psychométrie

Cette grande leçon développe la problématique de la mesure en psychologie dans une perspective épistémologique et historique. Il s'agit de poser le problème de l'observation objective et quantitative du comportement d'une part, et le problème de l'interprétation des données comme des variables théoriques d'autre part.

Rédaction : Stéphane Vautier

3. Qu'est-ce qu'un test psychométrique ?

3.1. La définition de Pierre Pichot

"On appelle test mental une situation expérimentale standardisée servant de stimulus à un comportement. Ce comportement est évalué par une comparaison statistique avec celui d'autres individus placés dans la même situation, permettant ainsi de classer le sujet examiné, soit quantitativement, soit typologiquement".

Cette définition est citée par Pichot lui-même dans sa 6e édition des Tests mentaux  (1967). Quelques commentaires peuvent être utiles.

  • La définition proposée a plus d'un demi-siècle. Comme Huteau et Lautrey (1999) l'ont souligné, le développement des tests psychométriques a largement contribué à l'édification de la psychologie dite moderne.
  • De nos jours, on ne parle guère plus de tests 'mentaux', expression utilisée par le psychologue James McKeen Cattell (1860-1944) dans un article publié à la fin du XIXe siècle (Cattell, 1890). Il suffit de remplacer 'mental' par 'psychométrique' dans la définition.
  • 'Situation expérimentale standardisée' : le psychologue lambda ne décide pas lui-même quelles tâches proposer à la personne évaluée. Le test définit ce que la personne doit faire et dans quelles conditions elle doit le faire. Prenons par exemple un test composé de 10 problèmes, de sorte que les scores possibles varient de 0 (aucune réponse n'est correcte) à 10 (toutes les réponses sont correctes). Paul obtient un score de 8 points. Julie passe aussi le test, mais cette fois le psychologue décide d'ajouter deux problèmes supplémentaires ; Julie obtient un score de 8 points. Peut-on en conclure que Paul et Julie ont des performances comparables ? Bien sûr que non. La comparabilité des performances nécessite la comparabilité des conditions de la passation du test.  
  • Par 'stimulus', entendons que le test provoque un comportement. Un test psychométrique est utilisé comme un révélateur de certaines caractéristiques des personnes évaluées, ces caractéristiques fussent-elles largement hypothétiques (ce que l'on nomme des construits). Les amateurs de cinéma songeront peut-être à Ridley Scott : dans Blade Runner, Rick Deckard utilise un test pour déterminer si une personne est un répliquant; apparemment, le test est basé sur l'absence de réaction émotionnelle face à des situations moralement stressantes...
  • Les observations sont interprétées de manière comparative et statistique. Le psychologue se réfère à l'ensemble des comportements observés auprès d'un échantillon (statistique) de personnes comparables. La perspective adoptée est différentielle.
  • Le but du test psychométrique est d'aboutir à un classement de la personne. Deux types de classements sont envisagés : 
    • un classement typologique, c'est-à-dire la décision de classer le comportement observé de la personne évaluée dans une catégorie particulière de comportement, parmi un certain nombre de catégories mutuellement exclusives,
    • un classement quantitatif, qui ordonne le comportement de la personne évaluée dans une hiérarchie définie au niveau de la population des individus comparables.
  • La finalité du test psychométrique selon Pichot est descriptive. Il ne s'agit pas de faire un pronostic, ni un diagnostic. Pronostic et diagnostic sont des processus d'inférence. Par exemple, prédire la réussite scolaire à partir d'un score très élevé (pronostic), soupçonner l'existence d'un problème organique à partir d'un score très faible (diagnostic), sont des inférences. De nos jours, on attend d'un test psychométrique qu'il permette de réduire l'incertitude pronostique ou diagnostique.