Psychologie, statistique et psychométrie
Cette première grande leçon introduit la psychométrie et la statistique dans la perspective historique du développement de la psychologie scientifique à partir du XIX e siècle, afin de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux épistémologiques, scientifiques, et techniques de ces matières. Ces enjeux comprennent en particulier l'établissement de grandeurs mesurables et la mise au point de méthodes objectives pour l'étude de la variabilité induite expérimentalement ou observée en condition naturelle.
Rédaction : Éric Raufaste, Stéphane Vautier
1. La science comme dialogue avec le réel
1.1. Monde empirique et monde des idées
La construction de la connaissance scientifique peut se concevoir comme la production d'un discours par une suite d'allers-retours entre le monde de la réalité empirique et le monde des croyances. Dans le schéma suivant, l'ellipse du haut représente le monde des idées ou des croyances, et celle du bas représente le monde des phénomènes empiriques.
En considérant l'ellipse de la réalité empirique, on peut distinguer deux régions.
- La première est celle de la réalité observable, à partir de notre activité perceptive et interprétative, comme des comportements, par des appareils de mesure, ou diverses techniques d'observation (un test de personnalité par exemple).
- La plus grande partie (et le dessin ne fait pas justice de l'infinie disproportion entre ces deux parties) représente cette partie de la réalité qui n'a jamais été observée et qui ne le sera jamais.
En considérant l'ellipse du monde des croyances, on peut distinguer trois régions intéressantes.
- La première est celle qualifiée ici de représentation des entrées. En effet, lorsque nous observons la réalité, nous en donnons une description, et c'est en réalité cette description, et non la sensation elle-même, qui entre dans la suite de nos raisonnements. Par exemple, si mes yeux captent l'image d'une magnifique plage ensoleillée dans une île du pacifique, ce qui va entrer dans ma mémoire, ce que je raconterai à mes amis, le souvenir sur lequel je baserai mes décisions futures, tout cela n'est qu'une description très simplifiée de la sensation initiale.
- La deuxième région est celle de la représentation causale. Par exemple, je peux attribuer l'origine du plaisir que j'ai ressenti à ce moment à la magie du lieu, ou encore aux relations humaines très riches dont j'ai fait l'expérience ce jour là.
- La troisième partie concerne ici les prédictions que je peux faire à partir de mon modèle causal. Par exemple, si je crois que l'origine de la sensation de plaisir que j'ai ressentie sur cette plage est liée aux couleurs très particulières ce jour là, il est probable qu'à l'avenir je rechercherai à faire d'autres expériences d'endroits aux couleurs magiques. Si par contre, je crois que la cause de mon plaisir était avant tout la compagnie des amis qui étaient avec moi à ce moment là, ce que je rechercherai probablement à l'avenir ce sont des situations où de telles relations humaines seront possibles.
On voit que les prédictions issues du modèle causal vont déterminer mes comportements d'observation et d'exploration de la réalité, et donc mes expériences futures de la réalité. Ces dernières conditionnent par ailleurs l'apparition de nouvelles croyances, etc. La connaissance scientifique se construit donc comme une suite d'aller-retours entre le monde des croyances et le monde empirique : Les observations du monde empirique fournissent la matière à des descriptions et des explications, qui vont conduire à de nouvelles croyances déduites (les prédictions), qui vont secondairement guider de nouvelles observations dans le monde empirique, etc.
Jusqu'ici, nous avons évoqué des relations entre le monde empirique et les croyances. Mais que deviennent les connaissances dans tout ça ? Nous allons le voir page suivante...
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