Psychologie, statistique et psychométrie

Cette première grande leçon introduit la psychométrie et la statistique dans la perspective historique du développement de la psychologie scientifique à partir du XIX e siècle, afin de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux épistémologiques, scientifiques, et techniques de ces matières. Ces enjeux comprennent en particulier l'établissement de grandeurs mesurables et la mise au point de méthodes objectives pour l'étude de la variabilité induite expérimentalement ou observée en condition naturelle.

Rédaction : Éric Raufaste, Stéphane Vautier

3. Dimensions de la variabilité en psychologie

3.3. Variations aléatoires et variations systématiques

Le lecteur intéressé par ces notions et par l'histoire des sciences trouvera un complément d'informations dans l'article sur les relations entre les concepts de connaissance et incertitude. 


Variations systématiques

Ce sont les variations du phénomène observé qui résultent d’un mécanisme déterministe. Par exemple, si l’on met en relation les variations de performances scolaires d’élèves avec les variations dans leur niveau d'effort, on pourra observer que souvent les élèves qui travaillent obtiennent des meilleures notes que les élèves qui ne travaillent pas. Ainsi, on pourra dire que l’effort est un déterminant de la réussite scolaire. Ce n’est évidemment pas le seul, mais une part des variations de réussite scolaire est donc explicable par les variations d’effort.

Il faut distinguer deux classes de variations systématiques : celles qui sont réellement liées à notre hypothèse causale, et celles qui sont en réalité dues à des biais méthodologiques. Par exemple, si pour tester l'hypothèse précédente, on compare des enfants qui avaient travaillé beaucoup à des enfants ayant moins travaillé, mais sans s'apercevoir que ceux qui travaillaient beaucoup étaient aussi issus de milieux culturellement plus favorisés, il s’agit bien d’une variation systématique, mais par rapport à l'hypothèse à tester, on parlera plutôt d’un biais en faveur de ces enfants. Une part importante de la réflexion scientifique et de la démarche de création de connaissances en psychologie expérimentale consiste précisément à vérifier que les résultats obtenus ne sont pas le fruit de biais systématiques.


Variations aléatoires

L’aléa est généralement invoqué dans une situation où des variations sont observables sans qu’absolument aucun déterminant ne permette de prédire dans quelle direction se fera la variation. Ou même, de façon plus radicale, sans qu’aucune détermination d’aucune sorte soit à l’œuvre (par exemple dans certains phénomènes quantiques, en physique). Ou encore, quand des variations sont dues à des déterminismes tellement faibles qu’il serait quasiment impossible de les repérer ou même de prédire la variation qu’ils vont induire lors d’une observation donnée. Le résultat serait encore perçu comme le «fruit du hasard».Les variations aléatoires correspondent donc à des variations sans déterminant connaissable.

On peut ranger dans cette catégorie un nombre d'erreurs directement liées à l'imprécision des instruments de mesure. 

Une conséquence très importante de l'existence des erreurs aléatoires est que lorsque l'on procède à des séries de mesures physiques, il faut s'attendre dans le cas à général à trouver de la variabilité par le simple fait que des fluctuations aléatoires vont perturber les résultats. Ainsi plusieurs mesures du même objet vont donner des valeurs légèrement différentes. Dans le cas de mesures psychologiques, il en va de même. 


De l'utilité de distinguer ces deux types de variations

Imaginons une recherche empirique dans laquelle le chercheur souhaite tester une hypothèse causale, disons comme celle vue précédemment, « l’effort favorise la réussite scolaire ». Il va donc devoir mettre en relation les variations de la variable qu’il postule comme étant la cause (l'effort), et les variations de la variable qu’il postule comme étant l’effet (la réussite scolaire). Grâce à des méthodes statistiques sur lesquelles nous reviendrons plus loin dans ce cours, il va donc pouvoir distinguer au sein des variations de la variable à expliquer...

  • une part de variations systématiques « vraies » attribuable aux variations de la variable explicative,
  • une part de variations systématiques attribuables à des biais (aussi appelée « erreurs systématiques » et,
  • une part de variations aléatoires (aussi appelées « erreurs fortuites » ou « bruit »).


Le chercheur pourra alors dire qu’on connaît d’autant mieux le phénomène que sera importante la part des variations systématiques vraies, c’est-à-dire les variations attendues, celles dont il avait fait l’hypothèse, au sein de l’ensemble de toutes les variations. C’est ce concept qu’exprime la notion fréquemment employée de « part de variance expliquée ».

Le point intéressant est qu'une analyse mathématique des variations aléatoires a permis de repérer certaines propriétés dont la plus connue est sans nul doute que ces variations se laissent souvent décrire par la loi normale, fameuse courbe en cloche dite « courbe de Gauss » (à tort, Laplace par exemple ayant décrit cette distribution avant Gauss). Ces propriétés étant connues, on peut alors analyser les variations observées pour voir si elles se différencient du hasard ou non. La part de variations qui ne s’explique pas par le hasard peut alors être attribuée à des effets systématiques.