Statistique inférentielle et psychométrie appliquée

Cette grande leçon introduit la statistique inférentielle et la psychométrie appliquée, ceci dans la  perspective de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux épistémologiques, scientifiques et techniques de ces matières. Ces enjeux comprennent en particulier la mise au point de méthodes objectives pour l’étude de la variabilité induite expérimentalement ou observée en condition naturelle.

Cette leçon est essentielle pour comprendre les suivantes, car tous les concepts de base de la statistique inférentielle y sont expliqués.

2. Mesurer ou décrire ?

2.3. Mesurer c'est décrire une grandeur

Dans ce qui précède, nous n'avons pas eu besoin d'identifier la description à la quantification. Pourtant, en psychologie, on accorde une grande importance à la quantification, pour des raisons complexes. Nous ne prétendrons pas analyser ici ces raisons, mais nous pointerons une interprétation possible : la plupart des grandeurs qui intéressent les psychologues sont des métaphores du langage de la vie quotidienne. Par exemple, on parle de la capacité de la mémoire immédiate comme d'une grandeur : il y a des gens plus ou moins capables, donc il s'agit de mesurer cette capacité. Ce type de démarche s'oppose à une démarche qui part du principe que c'est une question empirique (et non de droit) de savoir si l'idée d'une grandeur latente, i.e., non observable, correspond à une réalité dont l'ontologie est intrinsèque. Les psychologues ont l'habitude de considérer qu'il est normal de mesurer des grandeurs non empiriques par des procédés numérologiques (cf. l'article "Score psychométrique" de L1) et nous ne partageons pas cette position parce qu'elle n'est pas justifiable dans une perspective réaliste (i.e., dans une perspective qui assigne comme but à la recherche scientifique la connaissance de la réalité telle qu'elle existe indépendamment du sujet de la connaissance, par opposition à des productions linguistiques partagées -- dont Searle nous montre qu'il faut bien, par ailleurs, reconnaître l'ontologie sociale ou encore subjective).

Par définition, ce qui est mesurable est une grandeur ; les grandeurs physiques sont des concepts fondés sur des réseaux de connaissances empiriques complexes. Un ampèremètre mesure l'intensité dans un circuit électrique, pas seulement parce que nous souhaitons collectivement que l'intensité soit mesurée, mais en vertu de la capacité de l'instrument à résumer les faits empiriques généraux qui permettent de définir l'intensité du courant électrique comme une grandeur. Ceci ne signifie pas qu'il faille s'interdire d'utiliser des métaphores si on fait de la recherche scientifique, mais qu'il faut s'interdire de prendre ces métaphores pour des propriétés intrinsèques (réification). Nous renvoyons le lecteur au chapitre plus bas "Opérationnaliser une grandeur psychologique ".