4. Mesurage : logique et usage

4.1. Introduction

Le terme "mesurage" désigne l'action de mesurer. Du point de vue grammatical, le verbe "mesurer" est un verbe transitif direct, c'est-à-dire qu'il appelle un complément d'objet direct. Autrement dit, si on dit "je mesure", il faut compléter la phrase en indiquant ce qui est mesuré. Du point de vue sémantique, ce qui est mesuré est par définition une grandeur. Par exemple, si je dis "je mesure la taille de Paul", la taille de Paul est une grandeur.

En psychologie, le verbe "mesurer" est largement utilisé. Le problème qui nous intéresse ici est de savoir si cet usage est logiquement cohérent. Par exemple, si l'usage en psychologie est qu'on mesure l'attachement d'une personne à son quartier, alors le fait de se demander si cette personne est plus attachée à son quartier aujourd'hui qu'il y a trois ans entre en droit dans le cadre de l'activité du psychologue. Mais pour que cet usage puisse se prévaloir de la scientificité, il faut encore qu'il ne souffre pas d'incohérence logique.

Le problème général que posent l'usage et l'enseignement du mesurage en psychologie est qu'il existe de sérieux problèmes de cohérence logique. De plus, ces problèmes ne sont pas appréhendés correctement parce que l'enseignement méthodologique en psychologie néglige généralement de poser le problème philosophique du rôle de la rationalité dans la démarche scientifique. Or, dans les sciences empiriques, la connaissance repose sur l'exercice de la raison et sur l'observation. Lorsque le mesurage, qui est une forme particulière de l'observation, repose sur des conventions irrationnelles ou encore illogiques, son utilisation s'expose au risque de fraude (Atlan, 2010), c'est-à-dire d'une affirmation délibérée de pseudo-vérités scientifiques. Une parade obscurantiste à l'accusation de fraude scientifique consiste à nier la possibilité d'affirmer une quelconque vérité scientifique. Mais cette position est intenable puisque si elle est vraie, elle est contradictoire (il est vrai qu'il n'y a pas de vérité) ; et si, parce qu'on veut éviter la contradiction, elle est fausse, alors elle est frauduleuse puisqu'elle est énoncée comme une vérité alors même qu'on sait que l'affirmation est fausse.

Le psychologue qui croit en la possibilité d'un savoir scientifique en psychologie est donc moralement tenu d'examiner la cohérence des pratiques et des discours qui procèdent de sa discipline. Cela vaut en particulier pour le mesurage.

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