Psychologie, statistique et psychométrie

Cette première grande leçon introduit la psychométrie et la statistique dans la perspective historique du développement de la psychologie scientifique à partir du XIX e siècle, afin de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux épistémologiques, scientifiques, et techniques de ces matières. Ces enjeux comprennent en particulier l'établissement de grandeurs mesurables et la mise au point de méthodes objectives pour l'étude de la variabilité induite expérimentalement ou observée en condition naturelle.

Rédaction : Éric Raufaste, Stéphane Vautier

3. Dimensions de la variabilité en psychologie

3.2. Variabilités intra et interindividuelle

Variabilité et invariants intra individuels

Le propre du subjectif, de l'expérience vécue à un niveau phénoménologique, est précisément de ne pas prendre pour référence ce qui est en dehors du sujet. L'expérience subjective que j'ai du goût du miel m'appartient et absolument rien ne garantit que mon expérience subjective d'une situation est identique à celle de mon voisin placé dans la même situation. Bien au contraire, on a de bonnes raisons de penser que dans de nombreux cas, l'expérience que je fais en tant qu'individu situé dans le monde est absolument unique. Du de fait, les variations dans mon expérience unique ne peuvent s'aborder que par rapport à moi-même, sous un angle intraindividuel.

Bien entendu, je peux aussi être amené à faire l'expérience un grand nombre de fois d'un même type de situations et dégager des invariants de cette série d'observations. Par exemple, à chaque fois que je mange des marrons glacés, je ressens un vif plaisir. Donc pour moi, la relation « marrons glacés - plaisir » est un invariant.

En restant au niveau d'un seul individu, le niveau intraindividuel, je peux donc observer de la variabilité et décrire des invariants. La simulation qui suit illustre ce que représente une série de mesures intraindividuelles. Dans cette simulation, à chaque fois que vous cliquez sur le bouton « Donner une note », le programme va simuler une nouvelle mesure intraindividuelle de performance à un test. Vous pourrez utiliser l'ascenseur pour visualiser l'ensemble de la série de mesures intraindividuelles.

Ainsi pour chaque expérience particulière je peux dégager une part générale, commune avec d'autres expériences que j'ai fait dans le même type de situations, et une part totalement unique, absolument imprévisible et qui ne sera jamais répétée.

Que se passe-t-il maintenant si j'observe non pas un seul, mais plusieurs individus ?


Variabilité et invariants interindividuels 

Nous considérons maintenant une population d'individus et non plus un individu unique. Certains phénomènes seront de portée entièrement générale, concernant tous les individus sans exception1, tandis que d'autres phénomènes seront entièrement individuels, « idiosyncrasiques », traduisant une variabilité maximale. Entre ces deux extrêmes, il y a place pour des niveaux intermédiaires, correspondant à des phénomènes invariants au sein d'une sous-population, mais qui varient entre différentes sous-populations (par exemple, au sein des humains, nous allons distinguer les hommes et les femmes, ou encore les optimistes et les pessimistes).

La simulation qui suit illustre ce que représente une série de mesures interindividuelles. On imagine ici qu'un échantillon d'individus a été tiré au hasard au sein de la population française, et que chaque individu de l'échantillon fait l'objet d'une mesure de sa taille. En cliquant sur « Mesurer une personne », une nouvelle mesure interindividuelle est ajoutée à la liste.

1ou au moins « à peu près sans exception » car, dans le domaine du vivant, il est rare de trouver des règles qui ne souffrent strictement aucune exception. Et la psychologie est avant tout la psychologie d'êtres vivants. 

Pourquoi distinguer variabilité intra- et interindividuelle ?

L'étude des variations intra-individuelles nous renseigne sur ce qui se passe pour de vrais individus, des individus qui existent réellement, tandis que les variations interindividuelles ne nous renseignent que sur une abstraction, à savoir la population étudiée. Toutefois, les variations intra-individuelles ne sont pas toujours possibles à étudier, car il n'y a pas d'indépendance des mesures intraindividuelles entre elles. Le fait que j'ai mesuré l'individu X au temps t est connu de cet individu et sa réponse au temps t +1 peut-être affectée par sa réponse au temps t (par exemple il veut paraître cohérent entre ses réponses).

Cette absence d'indépendance peut poser des problèmes expérimentaux mais, même en restant à un niveau purement statistique, elle implique que certains traitements mathématiques deviennent illégitimes. Vous verrez au cours des différents cours de statistiques dont vous bénéficierez dans vos études que les procédures à employer sont souvent sensiblement différentes selon le type de variabilité à traiter.