Un oxymore?
Le développement durable a initialement été pensé à une échelle globale, interrogeant d'abord la question des ressources à commencer par l'alimentation dans un contexte de croissance démographique. Les réflexions, diagnostics et propositions ont donc souvent concerné le thème de l'agriculture et de la ruralité. Dans ce contexte la ville est non seulement pas invitée mais lorsqu'elle est invoquée, c'est au titre d'accusée, concentré de toutes les déviances de l'humanité, polarisation consommatoire des ressources de la planète, lieu d'exacerbation des ségrégations sociales, concentration de tous les miasmes. Dans ce contexte, le rapprochement entre ville et développement durable a pu apparaître comme un oxymore.
Certes, la ville durable n'existe pas. Par définition elle est un organisme qui consomme des biens produits bien au-delà de son territoire. D'ailleurs, au moins dans les pays d'urbanisation anciennes (avant la révolution des transports), l'armature urbaine reflète d'abord la géographie différenciée des terroirs agricoles. Les plus grandes villes sont souvent localisées au sein des régions agricoles les plus riches et/ou en possibilité d'en drainer rapidement (par l'intermédiaire du réseau hydrographique) les richesses. La ville est également le lieu de cristallisation de fortes inégalités socio-spatiales.
Ajoutons que l'instrumentalisation du développement durable et notamment les lectures polysémiques de la durabilité trouvent dans le champ de l'urbain un environnement propice. La scène urbaine est instrumentalisée par les entreprises. Dans le secteur du commerce de détail, les groupes de distribution (au-delà des produits, de leur origine) mettent aussi en avant l'évolution de leur inscription dans la ville avec notamment le redéploiement de formats de commerce plus réduits, maillant plus finement la ville et renouant avec une proximité fonctionnelle qu'ils ont contribué à détruire. Cette instrumentalisation peut aussi être le fait des collectivités territoriales qui prises dans un champ réglementaire imposant des contraintes croissantes sont obligées d'intégrer la durabilité dans la planification urbaine. Les SCOT, le développement des Agenda 21 sont autant d'exemples d'une progression des impératifs de la durabilité (compacité urbaine, mixité fonctionnelle, mixité sociale, approches paysagères...) que, parfois, d'une certaine vacuité dans leurs objectifs et surtout dans la réalité des implications. Le développement urbain durable est aussi un des passages obligés du marketing urbain avec parfois des outils cosmétiques: développement de quelques pistes cyclables, d'espaces de renaturation, d'efforts de piétonisation, de mixité sociale a minima, le tout saupoudré de quelques écoquartiers...
Alors la ville durable, un oxymore ? Et en définitive une nouvelle utopie urbaine ?