3. La prédiction: scientifique ou actuarielle ?

3.1. Le problème

Prédire un comportement consiste à se projeter dans le futur, c'est-à-dire à s'aventurer dans l'inconnu armé de conjectures. Il y a des conjectures qui, a posteriori, s'avèrent fondées, d'autres non, et d'autres qui ne peuvent pas être vérifiées (par exemple, il est probable que vous rencontriez l'amour de votre vie demain). La prévision scientifique est un art de la divination qui se fonde sur l'exigence de falsifiabilité de ses prévisions, et l'élimination des croyances qui s'avèrent fausses précisément parce qu'elles ont conduit à de fausses prévisions.

La notion de falsifiabilité demande quelques explications. Par exemple, prédire que "demain le ciel sera sans nuage" est une prédiction falsifiable : soit il n'y aura pas de nuage, auquel cas la proposition sera vérifiée, soit il y aura au moins un nuage, auquel cas la proposition sera falsifiée. Mais énoncer qu'il y a 9 chances sur 10 que le ciel soit sans nuage demain n'est pas une proposition scientifique parce qu'elle est tautologique : elle implique logiquement que, soit il y aura au moins un nuage, soit il n'y en aura pas. Le recours à la probabilité d'un événement singulier se fonde sur des modèles peut-être scientifiques (i.e., falsifiables, et alors, il s'agit de préciser en quoi ils sont falsifiables en jugeant sur pièces), mais cela ne suffit pas pour faire de ce type d'énoncés des énoncés scientifiques.

La notion de prédiction scientifique est très clairement définie par Popper (1973) : "Pour prévoir, il est besoin de lois et de conditions initiales ; si l'on ne dispose pas de lois ou si l'on ne peut constater de conditions initiales, il ne s'agit plus de prévisions scientifiques" (p. 207). Dans l'article précédent, nous avons développé la notion de fait général (voir aussi Vautier, 2011 en VF). Dans ce qui suit, nous présentons de manière critique l'approche actuarielle de la prévision.

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