Statistique inférentielle et psychométrie appliquée
Cette grande leçon introduit la statistique inférentielle et la psychométrie appliquée, ceci dans la perspective de permettre aux étudiants de comprendre les enjeux épistémologiques, scientifiques et techniques de ces matières. Ces enjeux comprennent en particulier la mise au point de méthodes objectives pour l’étude de la variabilité induite expérimentalement ou observée en condition naturelle.
Cette leçon est essentielle pour comprendre les suivantes, car tous les concepts de base de la statistique inférentielle y sont expliqués.
5. Opérationnaliser une grandeur psychologique
5.1. Les scores psychométriques sont des artefacts
Dans un ouvrage critique, Kurt Danziger (1990) écrit ceci :
But in truth scientific psychology does not deal in natural objects. It deals in test scores, rating scales, response distributions, serial lists, and innumerable other items that the investigator does not find but constructs with great care. Whatever guesses are made about the natural world are totally constrained by this world of artifacts (p. 2).
Ce que nous traduirons comme cela :
Mais, en vérité, la psychologie scientifique n'a pas affaire à des objets naturels. Elle a affaire à des scores psychométriques, à des échelles de réponse, à des distributions de réponses, à des listes ordonnées, et à d'innombrables choses de ce genre, que les chercheurs ne trouvent pas, mais élaborent soigneusement. Quelles que soient les conjectures qui sont faites à propos du monde naturel, elles sont totalement déterminées par cet univers d'artefacts.
Quand on y regarde de près, c'est évident : les scores psychométriques ne sont pas des données, mais des artefacts. Ce sont des événements constitués dans un univers artificiel, c'est-à-dire un univers qui est fabriqué (par les psychologues).
Par conséquent, le psychologue est tenu de connaître les procédés de fabrication des scores psychométriques, car il est supposé compétent pour répondre de leur signification. L'article intitulé "Score psychométrique" (cours de L1) décrit en détail comment les scores de tests sont fabriqués.
Les scores de tests ont une double signification. Lorsqu'on regarde comment ils sont fabriqués, ils correspondent à des classes de réponses. Lorsqu'on regarde ce qu'ils sont supposés représenter, ils correspondent à des différences relatives à une grandeur métaphorique, un "construit" (e.g., l'anxiété-trait).
Leur signification opératoire pose un problème de cohérence. Leur signification métaphorique pose également un problème de cohérence. Ces problèmes sont généralement ignorés (méconnus ou négligés) par leurs utilisateurs. Tout se passe comme si les scores psychométriques étaient sinon des mesures, du moins des données quantitatives prêtes à être introduites dans des analyses statistiques. Les problèmes de cohérence opératoire des scores psychométriques sont développés dans l'article La confusion nominale induite par les scores psychométriques.
Le présent article se focalise sur les problèmes de cohérence métaphorique des scores psychométriques et introduit les solutions interprétatives de la théorie classique des tests et de la modélisation de la réponse à l'item. Une solution interprétative est une solution fondée sur une interprétation, c'est-à-dire sur l'invention d'une possibilité de se figurer comment il est possible d'observer ce qu'on observe. Elle s'oppose à une explication scientifique, qui non seulement explicite comment il est possible d'observer ce qu'on observe, mais encore comment il est nécessaire qu'on observe ce qu'on observe et pas autre chose. (Pour approfondir, voir Vautier, Veldhuis, Lacot, & Matton, 2012).
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