Psychométrie

Cette grande leçon développe la problématique de la mesure en psychologie dans une perspective épistémologique et historique. Il s'agit de poser le problème de l'observation objective et quantitative du comportement d'une part, et le problème de l'interprétation des données comme des variables théoriques d'autre part.

Rédaction : Stéphane Vautier

2. Qu'est-ce que la psychométrie ?

2.2. Modélisation statistique des scores psychométriques

Les scores dépendent des règles de codage numérique décidées par les psychologues qui ont élaboré les tests. Un tableau comportemental donné, observé avec un test, peut être associé à un certain score en vertu des règles de codage que l'on applique. Si on modifie les règles qui attribuent les valeurs numériques aux observations dans le tableau, ce même tableau est alors associé à un score différent.

D'où le problème de la signification des scores psychométriques : ces scores sont-ils des artifices pour exprimer, de manière quantitative, des phénomènes qualitatifs dont on ignore s'ils possèdent une structure quantitative (Michell, 1990), ou bien sont-ils des mesures approximatives, que l'on espère "pas trop mauvaises", de grandeurs réelles, sous-jacentes aux comportements observables que les tests révèlent ? C'est selon cette dernière perspective que de nombreux psychologues interprètent les scores psychométriques.

La modélisation statistique des scores psychométriques consiste à préciser mathématiquement comment les scores observés sont reliés à des scores que l'on qualifie de latents (e.g., Bollen, 2002), et qui représentent les scores réels (mais inconnus) des personnes relativement à la grandeur que l'on souhaite mesurer. Par exemple, à supposer que l'intelligence se réduise à une grandeur mesurable, comment le score de QI, observé avec un test d'intelligence lors de l'examen de Paul, est-il relié à la mesure réelle de l'intelligence de Paul ? Un modèle statistique des scores psychométriques, que l'on appelle aussi un modèle psychométrique, précise une relation possible ou encore hypothétique entre le score observé et le score latent.

Un modèle psychométrique précise en fait deux idées générales.

  • Le score observé comporte une variabilité inhérente au fait d'observer, qui n'a rien à voir avec ce que l'on veut mesurer. Cette variabilité inhérente au fait d'observer renvoie à l'idée d'incertitude dans les sciences empiriques. En d'autres termes, une même mesure d'intelligence (niveau de la réalité cachée) peut être associée à des QI différents (niveau observable).
  • Des tests différents peuvent mesurer la même grandeur. Que le nombre de grandeurs mesurables soit plus petit que le nombre de tests possibles est crucial. Si cela n'était pas le cas, l'hyper-espace de la personnalité serait un espace de dimension infinie puisqu'il suffirait d'inventer un nouveau test pour y ajouter une nouvelle dimension.

Un aspect intéressant des modèles psychométriques est qu'ils peuvent être testés, c'est-à-dire que leur plausibilité peut être évaluée. Un modèle est une représentation simplifiée de la réalité, donc une image au mieux "pas trop" fausse de la réalité. Les statisticiens ont défini des indices d'adéquation des modèles aux données, ce qui permet d'évaluer la plausibilité d'un modèle. Si la meilleure estimation possible du modèle donne une image trop déformée des données, les idées théoriques que ce modèle permet de préciser n'ont pas une grande valeur scientifique, car elles nous écartent de la réalité. Il faut cependant remarquer que même un modèle bien ajusté aux données ne peut pas être considéré comme preuve décisive de la validité de l'hypothèse de grandeurs latentes mesurables.

  • Le score observé comporte une variabilité inhérente au fait d'observer, qui n'a rien à voir avec ce que l'on veut mesurer. Cette variabilité inhérente au fait d'observer renvoie à l'idée d'incertitude dans les sciences empiriques. En d'autres termes, une même mesure d'intelligence (niveau de la réalité cachée) peut être associée à des QI différents (niveau observable).
  • Des tests différents peuvent mesurer la même grandeur. Que le nombre de grandeurs mesurables soit plus petit que le nombre de tests possibles est crucial. Si cela n'était pas le cas, l'hyper-espace de la personnalité serait un espace de dimension infinie puisqu'il suffirait d'inventer un nouveau test pour y ajouter une nouvelle dimension.

En principe, le test des modèles psychométriques devrait permettre d'éliminer des conceptions trop naïves ou simplistes de ce que mesurent les tests psychométriques. Cependant, l'histoire de la discipline montre que la mise en évidence de l'inadéquation empirique du modèle ne suffit pas pour que les idées qu'il permet de formaliser et de tester soient abandonnées. Encore faut-il qu'une solution alternative soit disponible.