1. De l'opposition entre la science et la fortune

Initialement, la conception dominante de la connaissance est imprégnée d'idéal platonicien : les connaissances sont les vérités du Monde des Idées auquel nous donne accès l'exercice de notre raison. Cette conception est adaptée aux sciences exactes, géométrie, logique, mathématique... Elle n'est, par contre, pas adaptée aux sciences empiriques comme la physique, la biologie ou la psychologie. En effet, non seulement l'immensité du monde empirique est impossible à explorer dans sa totalité (voir l'article la science comme dialogue avec le réel) mais le hasard y a une part importante, difficile à réconcilier avec l'idéal rationnel.

Comme l'ont remarqué Gigerenzer et al. (1989), cette opposition historique initiale est remarquablement représentée dans le dessin suivant, tiré d'un ouvrage du XVIe siècle, traduction française d'un roman de Pétrarque (1524). On y voit à gauche, le personnage de la Fortune ("Fortuna"), aveuglée et qui tient une roue dans sa main. Ce personnage est aveuglé et distribue donc aveuglément les événements "prospères et adverses", c'est-à-dire favorables ou défavorables. En face se tient le personnage de la Science ("Sapientia"). La science au contraire n'est pas aveugle. Elle porte un miroir ("speculum"). Ainsi la science est censée refléter, réfléchir, le monde.

Ce qui se joue là, c'est l'opposition tranchée entre la connaissance, symbolisée par la science, et l'incertitude, symbolisée par la fortune. Seulement voilà, le caractère tranché de cette opposition ne laisse pas place à la connaissance ou, ce qui revient au même, à l'ignorance partielle.

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