Psychométrie : théorie et applications

Le titre développé de cette grande leçon est « Du qualitatif au quantitatif : théorie et applications ». Consacrée à la psychométrie, elle approfondit la problématique de la mesure en psychologie selon deux perspectives. 

  • D’une part, il s’agit d’expliciter la construction d’un observable comme le processus de composition d’applications, processus qui permet de transcrire des énoncés qualitatifs en énoncés quantitatifs. 
  • D’autre part, il s’agit de montrer comment l’utilisation des prévisions qu’il est possible de dériver statistiquement à partir des « sorties » de l’observation psychotechnique étaye l’intervention du psychologue dans des problématiques de dépistage, de sélection et de conseil.

4. Tester qu'une description multivariée permet un mesurage ordinal

4.2. Un exemple : l'anxiété est une grandeur mesurable avec deux items

Considérons les items "Je me fais du souci" et "Je me sens tendu(e)", assortis des choix de réponse "non" et "oui". Comme les réponses suggèrent respectivement l'absence et la présence d'anxiété, on peut les coter 0 et 1. Les réponses à tout item sont simplement ordonnées.

Pour spécifier la théorie selon laquelle les réponses aux deux items mesurent l'anxiété, il faut d'abord spécifier comment on relie le référentiel de l'anxiété au référentiel de tout item. Le référentiel de l'anxiété est un intervalle de la forme [0, max]. Il faut admettre l'existence d'une origine qui correspond à l'absence d'anxiété dans le psychisme de la personne qui répond. On exclut aussi la possibilité d'une quantité négative d'anxiété. Enfin, on admet l'existence d'une quantité maximale d'anxiété, au-delà de laquelle la personne n'est plus en état de répondre.

Nous ne connaissons pas d'autre moyen pour spécifier la relation entre [0, max] et {0, 1} qu'une fonction par palier, ou encore une fonction à seuil. Appelons ce seuil s. Quand la quantité d'anxiété varie dans [0, s [, la réponse est 0. Quand la quantité d'anxiété varie dans [ s , max[, la réponse est 1. On obtient la courbe représentative ci-dessous.

Cette façon d'interpréter la réponse à un item est tautologique, puisqu'on ne peut pas mesurer l'anxiété sans la réponse à l'item. Si on considère les deux items, alors on déduit trois théories testables.

La première théorie est que le seuil du premier item se trouve avant le seuil du second item. Dans ce cas, on obtient la fonction suivante :

Cette théorie possède un falsificateur, à savoir l'observation 01, qui signifie que la personne a répondu non à l'item 1 et oui à l'item 2. Si elle a répondu non à l'item 1, sa quantité d'anxiété est inférieure au seuil de l'item 1, donc elle ne peut pas être supérieure au seuil de l'item 2, qui se trouve par hypothèse après le seuil de l'item 1. Or, elle a répondu oui à l'item 2, ce qui signifie que sa quantité d'anxiété est supérieure au seuil de l'item 2. Comme l'observation est vraie (on exclut une erreur de la part de celui qui rapporte les réponses par exemple), c'est que la théorie est fausse.

La deuxième théorie est que le seuil de l'item 1 se trouve après le seuil de l'item 2. Nous laissons au lecteur le soin de tracer la fonction correspondante. Le falsificateur de la théorie est l'observation 10, pour des raisons analogues à celles que nous venons d'exposer pour la théorie n° 1.

Enfin, la troisième théorie est que les seuils des deux items se trouvent au même endroit dans [0, max[. Elle possède deux falsificateurs, à savoir les observations 01 et 10.