Quel équilibre entre acteurs privés et sphère publique ?
Avec la concentration des acteurs économiques, l'émergence d'entreprises mondialisées, la fabrique de la ville s'est transmutée en un rapport déséquilibré entre l'économique et le politique, nourrissant des interférences à des échelles différentes. En parallèle, ces dernières décennies ont vu remise en cause l'action publique. Sous les coups de boutoir idéologiques de Von Hayek, M. Friedman ou Von Mises, seul le marché aurait possédé une légitimité rationnelle, justifiant par ce postulat une vague de dérégulation. La gouvernance urbaine a singulièrement souffert de ce désengagement des pouvoirs publics ou en tous les cas de leur effacement face à des logiques privées faisant de portions entières de la ville le champ clos pour des investissements dont le but ultime est moins l'amélioration du collectif que le retour financier. En parlant du passage du managerialisme à l'entrepreneurialisme, David Harvey signifie clairement l'émergence de cette ville néo-libérale (Harvey, 1989). Cette émergence est l'expression d'un autre régime d'accumulation du capital suite à la crise fordiste des années 70. Il s'agit là de mettre en exergue ce que Harvey dénomme le « capital symbolique collectif » et d'accumuler les marques de distinction dans un monde globalisé. Dans un curieux paradoxe scalaire, cela aboutit à construire à une échelle locale, des projets locaux susceptibles d'apporter une rente de monopole ; mais afin de trouver une place dans le champ de la mondialisation, quitte parfois à ce que cette quête s'appuie sur un climat d'hostilité à ladite mondialisation ! Derrière tout cela, on trouve des « machines de croissance urbaine » et autres « coalitions de croissance » qui servent « à orchestrer la dynamique des processus d'investissement et la provision d'investissements publics essentiels au bon endroit et au bon moment, afin de favoriser la compétitivité interurbaine et interrégionale » (Harvey, 2008, p. 42).
Cette montée de la puissance du privé est-elle compatible avec une production urbaine durable? Vaste question de la capacité régulatrice du marché posée ici à l'échelle de la ville et selon une temporalité longue.
Un livre à lire: Alain Cluzet, Ville libérale, ville durable ? , L'Aube, essai, 2007.